Quelle est la vérité ? Israël/Palestine suite et fin

Publié le par Elie

 

 

Dimanche matin, station centrale de Beer-Sheva.


Deux lignes desservent Jérusalem, par laquelle je passe obligatoirement pour rentrer à la base : la 405, qui contourne les territoires et met une heure quante-cinq pour effectuer son trajet, et la 440 qui passe par le désert de Judée en traversant les villes palestiniennes d'Hébron et de Bethléem, en une heure vingt-cinq, on est aux portes de la Ville sainte.


Le bus qui effectue ce trajet est reconnaissable entre mille : il est maculé de poussière et les vitres sont parsemées de traces étoilées : l'impact des pierres, qui ont donné leur nom au soulèvement des palestiniens : l' Intifada.


Je monte dans le bus 440, en sachant que, cette fois, je ne m'endormirai pas. Comme la plupart des Israéliens à part les soldats en service là-bas, je n'ai jamais mis les pieds dans les territoires. Il est temps que j'en connaisse autre chose que des images télévisées.


Une vingtaine de kilomètres désertiques séparent Beer-Sheva des premiers villages palestiniens. C'est idiot, mais je n'imaginais pas qu'ils fussent si proches.


Je découvre de petites maisons en pierre, souvent sur pilotis, au milieu des ronces et de chemins boueux. Un nombre incroyable d'entre elles ne sont pas achevées. Plus stupéfiant encore, la plupart sont surmontées d'antennes en forme de...  tour Eiffel ! je les trouve grotesques, et touchantes.

Voici donc le vrai rêve palestinien : Paris !


- Il pleut, remarque quelqu'un dans le bus. C'est mieux quand il pleut, on reçoit moins de pierres.


A sa barbe et à sa kippa, je reconnais un habitant juif des territoires, que les pacifistes appellent un "colon" Consulte-t-il la météo avant de prendre le bus ?


Les villages s'étirent sur des kilomètres. Nul ne sait quand une localité s'arrête, et quand l'autre commence. Pauvreté, tristesse, haine. Je vois tout ça sur les rares visages qui se tournent vers le bus rouge et blanc. Des vieillards appuyés sur des cannes (ils ont l'air noble) comme les beaux bédoins de Lawrence d'Arabie. Des enfants, mal habillés. Des femmes à la silhouette lourde, au visage fatigué, portent un panier en équilibre sur la tête. Des filles en uniforme gris sortent d'une école en criant à notre attention quelque chose que je préférerais ne pas entendre. Des Mercedes sans âge, des ânes, des troupeaux de moutons, des oliviers.


J'ai l'impression d'avoir traversé une frontière, mais pas une frontière géographique.

Où suis-je ? Cent, deux cents ans en arrière ?


Les tours des minarets accrochent le regard. Parfois sur une colline, on aperçoit les tuiles rouges d'une implantation juive. Le bus s'arrête fréquemment, pour déposer des soldats qui rejoignent leur campement, des civils qui rentrent chez eux.

Nous ne somme plus qu'une dizaine. Nous approchons d'Hébron, la ville la plus importante de Judée.

Tous les passagers ont pris place prudemment côté couloir. Sauf moi. J'ai le nez collé contre la vitre, je veux tout voir.


Un bruit sourd et violent, dix centimètres sous mon visage. J'ai le temps d'apercevoir le garçon qui faisait tournoyer sa fronde. Il avait une expression dure et vengeresse. Il m'a visée, j'en suis certaine. Je porte l'uniforme kaki de l'armée, je suis l'ennemi suprême.


J'ai envie d'ouvrir la vitre et de lui crier :

- Arrête ! J'ai le même âge que toi et je pense comme toi !


Mais les pierres pleuvent sur nous à présent, le chauffeur accélère, dépasse la vitesse aurotisée et ça m'étonnerait qu'il soit arrêté à cause de ça : la seule autorité dans les territoires est l'armée Israélienne.


Tout le monde est à terre dans le bus y compris moi. Nous sommes balancés à droite à gauche et de gauche à droite pour éviter les projectiles. Chaque impact de pierre m'atteint douloureusement, comme si on me frappait. J'entends une détonation. Je ne saurai pas qui a tiré, s'il y a eu un mort ou un blessé.

J'éclate en sanglots et les autres passagers tentent de ma rassurer. Je n'ai pas envie de leur expliquer que ce n'est pas la peur qui fait couler mes larmes.


Je pose le casque de mon baladeur sur mes oreilles Shlomo Artzi volume maximal.

Il chante de sa voix un peu éraillée :


Si nous ne ralentissons pas

si nous ne regardons pas

Si nous ne prenons pas garde aux détails

Nous n'arriverons pas à un payx nouveau,

Nou n'arriverons pas à un pays nouveau.


Et j'entends la suite, même si ce ne sont pas les paroles de la chanson :


Et nous serons plongé pour toujours

dans la haine et la violence.

 


Voilà mes amis blogueur ce petit témoignage qui vaut ce qu'il vaut.

Il n'y a aucune leçon à en tirer, c'est juste texte. J'ai une opinion, mais malheureusement pas d'arguments  assez fort pour la défendre.

J'avais juste envie de répondre à l'article qu'a écrit bmb sur son blog.


Bonne journée

Elie

Publié dans INTERROGATIONS

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T
<br /> J'avais lu le texte de BMB et je viens de lire le votre avec autant d'émotion, et je me dis si ces humains qui s'affrontent et dont je crois beaucoup sont manipulés et endoctrinés, si un tout petit<br /> peu ils laissaient parler leur coeur, mais en même temps je me dis que tant de gens détruisent leur coeur, et c'est terrible. Plein d'amitié Tanya<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Au-delà de l'émotion portée par ton témoignage, on voit bien que les distances ne sont pas très éloignées, au propre comme au figuré entre les deux communautés. Mais faudra-t-il attendre deux cents<br /> ans? Amicalement.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Espérons pour le monde que non.<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> La question, pour moi, pour n'est pas pour ou contre, et ton témoignage poignant illustre bien l'escalade de la haine... les deux populations sont, pour moi, prisonnières de l'extrémisme de leurs<br /> représentant. Et pourtant ce sont elles qui ont la clé en se reconnaissant comme êtres humains libres et égaux. Et en acceptant de vivre ensemble et non séparé par un mur ou par des barbelés qui<br /> figent l'apparteid de fait qui existe depuis 1967... Amitiés<br /> <br /> <br />
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